Super démocratie – le Sénat des Choses
L’ensemble des trois Djellabas réalisé par l’artiste célèbre la tenue vestimentaire d’origine berbère, fort répandue au Maghreb. Longue tunique, parfois munie d’une capuche, la djellaba est exportée en Europe et se mêle aux us et coutumes de la mode occidentale. François Curlet opère dans son œuvre la synthèse de ce phénomène en apposant à l’habit traditionnel le logo de marques sportives. Les tuniques sont présentées sur des mannequins, dispositif habituel des vitrines commerciales ; elles sont réalisés en matière synthétique et arborent les fermetures typiques des tenues sportswear, apparues dans les années 80 avec le Hip Hop. L’artiste réunit dans un même objet les caractéristiques de la djellaba avec celles du vêtement sportif, utilisés tous deux pour leur confort.
La notice de la pièce indique qu’il s’agit d’une « superposition générationnelle des communautés musulmanes : association d’habits traditionnels et de vêtements sportifs griffés »[1]. Au dispositif formel mis en place se juxtapose l’appartenance identitaire d’une jeunesse qui oscille entre deux cultures. Les djellabas de François Curlet témoignent du sentiment de non-appartenance de toute une génération qui ne parvient pas à se reconnaître dans le modèle du pays d’origine, ni dans la société dans laquelle elle tente d’exister. Cette dualité, traduite humoristiquement par l’artiste, met en lumière la nécessité d’inventer de nouvelles formes d’appartenances compatibles et adéquates aux transformations socioculturelles. François Curlet essaye ainsi de résoudre un paradoxe en réunissant des signes et des formes ancrés à la fois dans la culture traditionnelle et dans la société de consommation occidentale.
[1] MARY, Francis, in : Curlet. Catalogue. 128 p., Edition cneai, Chatou, 2003, # 38.